Le conte chaud et doux des chaudoudous de Claude Steiner
Adaptation française de " A warm Fuzzy Tale ", célèbre conte de Claude Steiner, psychologue et disciple d'Eric Berne, le fondateur de l'Analyse transactionnelle.
L'histoire des Chaudoudoux est une allégorie des relations humaines, où l'on apprend que la tendresse et la générosité sont les meilleures armes pour affronter la vie.
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Un livre à offrir aux autres et à soi-même.
Le conte chaud et doux des chaudoudous
Il était une fois,
dans des temps très anciens, des gens qui vivaient très heureux. Ils
s'appelaient Timothée et Marguerite et avaient deux enfants, Charlotte et
Valentin. Ils étaient très heureux et avaient beaucoup d'amis.
Pour comprendre à
quel point ils étaient heureux, il faut savoir comment on vivait à cette
époque-là. Chaque enfant, à sa naissance, recevait un sac plein de chaudoudoux.
Je ne peux pas dire combien il y en avait dans ce sac on ne pouvait pas les
compter. Ils étaient inépuisables. Lorsqu'une personne mettait la main dans son
sac, elle trouvait toujours un chaudoudou. Les chaudoudoux étaient très appréciés.
Chaque fois que quelqu'un en recevait un, il se sentait chaud et doux de
partout.
Ceux qui n'en avaient
pas régulièrement finissaient par attraper mal au dos, puis ils se
ratatinaient, parfois même en mouraient. En ce temps-là, c'était très facile de
se procurer des chaudoudoux. Lorsque quelqu'un en avait envie, il s'approchait
de toi et te demandait : " Je voudrais un chaudoudoux ". Tu plongeais
alors la main dans ton sac pour en sortir un chaudoudou de la taille d'une main
de petite fille. Dès que le chaudoudoux voyait le jour, il commençait à sourire
et à s'épanouir en un grand et moelleux chaudoudoux. Tu le posais alors sur
l'épaule, la tête ou les genoux, et il se pelotonnait câlineusement contre la
peau en donnant des sensations chaleureuses et très agréables dans tout le
corps.
Les gens n'arrêtaient
pas d'échanger des chaudoudoux. et, comme ils étaient gratuits, on pouvait en
avoir autant que l'on en voulait. Du coup, presque tout le monde vivait heureux
et se sentait chaud et doux.
Je dis « presque »,
car quelqu'un n'était pas content de voir les gens échanger des chaudoudoux.
C'était la vilaine sorcière Belzépha. Elle était même très en colère. Les gens
étaient tous si heureux que personne n'achetait plus ses philtres ni ses
potions. Elle décida qu'il fallait que cela cesse et imagina un plan très
méchant.
Un beau matin,
Belzépha s'approcha de Timothée et lui parla à l'oreille tandis qu'il regardait
Marguerite et Charlotte jouer gaiement. Elle lui chuchota : « Vois-tu tous les
chaudoudoux que Marguerite donne à Charlotte ? Tu sais, si elle continue comme
cela, il n'en restera plus pour toi ». Timothée s'étonna : « Tu veux dire qu'il
n'y aura plus de chaudoudoux dans notre sac chaque fois que l'on en voudra un ?
» « Absolument, répondit Belzépha. Quand il n'y en a plus, c'est fini ». Et
elle s'envola en ricanant sur son balai. Timothée prit cela très au sérieux, et
désormais, lorsque Marguerite faisait don d'un chaudoudoux à quelqu'un d'autre
que lui, il avait peur qu'il ne lui en reste plus.
Et si la sorcière
avait raison ? Il aimait beaucoup les chaudoudoux de Marguerite, et l'idée
qu'il pourrait en manquer l'inquiétait profondément, et le mettait même en
colère. Il se mit à la surveiller pour ne pas qu'elle gaspille les chaudoudoux
et en distribue trop aux enfants ou à n'importe qui.
Puis il se plaignit
chaque fois que Marguerite donnait un chaudoudoux à quelqu'un d'autre que lui.
Comme Marguerite l'aimait beaucoup, elle cessa d'offrir des chaudoudoux aux
autres et les garda pour lui tout seul. Les enfants voyaient tout cela, et ils
pensaient que ce n'était vraiment pas bien de refuser des chaudoudoux à ceux
qui vous en demandaient et en avaient envie. Mais eux aussi commencèrent à
faire très attention à leurs chaudoudoux. Ils surveillaient leurs parents
attentivement, et quand ils trouvaient qu'ils donnaient trop de chaudoudoux aux
autres, ils s'en plaignaient. Ils étaient inquiets à l'idée que leurs parents
gaspillent les chaudoudoux.
La vie avait bien
changé : le plan diabolique de la sorcière marchait ! Ils avaient
beau trouver des chaudoudoux à chaque fois qu'ils plongeaient la main dans leur
sac, ils le faisaient de moins en moins et devenaient chaque jour plus avares.
Bientôt tout le monde remarqua le manque de chaudoudoux, et tout le monde se
sentit moins chaud et moins doux.
Les gens s'arrêtèrent
de sourire, d'être gentils, certains commencèrent à se ratatiner, parfois même
ils mouraient du manque de chaudoudoux. Ils allaient de plus en plus souvent
acheter des philtres et des potions à la sorcière. Ils savaient que cela ne
servait à rien, mais ils n'avaient pas trouvé autre chose ! La situation devint
de plus en plus grave. Pourtant la vilaine Belzépha ne voulait pas que les gens
meurent. Une fois morts, ils ne pouvaient plus rien lui acheter.
Alors elle mit au
point un nouveau plan. Elle distribua à chacun un sac qui ressemblait beaucoup
à un sac des chaudoudoux, sauf qu'il était froid, alors que celui qui contenait
les chaudoudoux était chaud. Dans ces sacs, Belzépha avait mis des froids-piquants.
Ces froids-piquants ne rendaient pas ceux qui les recevaient chauds et doux,
mais plutôt froids et hargneux. Cependant, c'était mieux que rien. Ils
empêchaient les gens de se ratatiner. À partir de ce moment-là, lorsque
quelqu'un disait : « Je voudrais un chaudoudoux », ceux qui craignaient
d'épuiser leur réserve de chaudoudoux répondaient : « Je ne peux pas vous
donner un chaudoudoux, mais voulez-vous un froid-piquant ? ».
Parfois, deux
personnes se rencontraient en pensant qu'elles allaient s'offrir des
chaudoudoux, mais l'une changeait soudain d'avis, et finalement elles se
donnaient des froids-piquants. Dorénavant, les gens mouraient presque plus,
mais la plupart étaient malheureux, avaient froid et étaient hargneux. La vie
devint encore plus difficile : les chaudoudoux qui au début étaient disponibles
comme l'air que l'on respire, devinrent de plus en plus rares. Les gens
auraient fait n'importe quoi pour en obtenir.
Avant l'arrivée de la
sorcière, ils se réunissaient souvent par petits groupes pour échanger des
chaudoudoux, se faire plaisir sans compter, sans se soucier de qui offrait ou
recevait le plus de chaudoudoux. Depuis le plan de Belzépha, ils restaient par
deux et gardaient les chaudoudoux l'un pour l'autre. Quand ils se trompaient en
offrant un chaudoudoux à une autre personne, ils se sentaient coupable, sachant
que leur partenaire souffrirait du manque.
Ceux qui ne
trouvaient personne pour leur faire don de chaudoudoux étaient obligés de les
acheter et devaient travailler de longues heures pour les gagner.
Les chaudoudoux
étaient devenus si rares que certains prenaient des froids-piquants qui, eux,
étaient innombrables et gratuits. Ils les recouvraient de plumes un peu douces
pour cacher les piquants et les faisaient passer pour des chaudoudoux. Mais ces
faux chaudoudoux compliquaient la situation. Par exemple, quand deux personnes
se rencontraient et échangeaient des faux chaudoudoux, elles s'attendaient à
ressentir une douce chaleur et s'en réjouissaient à l'avance et, au lieu de cela,
elles se sentaient très mal. Comme elles croyaient s'être donné de vrais
chaudoudoux, plus personne n'y comprenait rien !
Évidemment comment
comprendre que ses sensations désagréables étaient provoquées par les
froids-piquants déguisés en faux chaudoudoux ? La vie était bien triste !
Timothée se souvenait que tout avait commencé quand Belzépha leur avait fait
croire qu'un jour où ils ne s’y attendraient pas, ils trouveraient leurs sacs
de chaudoudoux désespérément vides.
Mais écoutez ce qui
se passa. Une jeune femme gaie et épanouie, aux formes généreuses, arriva alors
dans ce triste pays. Elle semblait ne jamais avoir entendu parler de la
méchante sorcière et distribuait des chaudoudoux en abondance sans crainte d'en
manquer. Elle en offrait gratuitement, même sans qu'on lui en demande. Les gens
l'appelèrent Julie Doudoux. Mais certains la désapprouvèrent parce qu'elle
apprenait aux enfants à donner des chaudoudoux sans avoir peur d'en manquer.
Les enfants
l'aimaient beaucoup parce qu'ils se sentaient bien avec elle. Eux aussi
commencèrent à distribuer à nouveau des chaudoudoux comme ils en avaient envie.
Les grandes personnes étaient inquiètes et décidèrent de passer une loi pour
protéger les enfants et les empêcher de gaspiller leurs chaudoudoux.
Malgré cette loi,
beaucoup d'enfants continuèrent à échanger des chaudoudoux chaque fois qu'ils
en avaient envie et qu'on leur en demandait. Et comme il y avait beaucoup
d'enfants, beaucoup d'enfants, presque autant que les grandes personnes, il
semblait que les enfants allaient gagner. À présent, on ne sait pas encore
comment ça va finir.
Est-ce que les
grandes personnes, avec leur loi, vont arrêter l'insouciance des enfants ?
Vont-elles se décider à suivre l'exemple de la jeune femme et les enfants et
prendre le risque en supposant qu'il y aura toujours autant de chaudoudoux que
l'on voudra ? Se souviendront-elles des jours heureux que leurs enfants veulent
retrouver, du temps où les chaudoudoux existaient en abondance parce qu'on les
donnait sans compter ?
Traduction : François Paul-Cavallier
Le conte, illustré par Pef, est disponible chez Dunod.com
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